Une pièce musicale qui nous dévoile l’émerveillement et la beauté qu’offrent l’observation et l’écoute de la nature à partir du talent d’imiter les oiseaux. À l’origine, deux copains d’enfance, natifs de la baie de Somme. Ils se découvrent un don pour l’imitation des chants d’oiseaux, don qu’ils développent, jusqu’à devenir des artistes reconnus. Leurs recherches les ont conduits à s’associer à Pierre Hamon, spécialiste de la musique ancienne et curieux de toutes les musiques traditionnelles. Ils se sont notamment rendus avec lui en Amérique du Sud, où ils ont expérimenté un instrumentarium extraordinaire : os de vautour, mâchoire d’âne, lithophone, conque, flûte en bambou… Les deux amis et le musicien ont décidé de reconstituer le voyage du jeune Darwin sur le Beagle, dont il tirera sa théorie de l’évolution. De la Cordillère des Andes au Brésil, ce spectacle est un merveilleux voyage sensoriel autour du monde, un émerveillement !

Une plongée sensible et onirique dans l’intimité d’un couple à différents moments de leur vie, de l’enfance à l’âge adulte. Anna Bouguereau livre ici un texte palpitant sur l’amour qui unit deux êtres depuis l’enfance. Un amour sans concession, qui se bat âprement pour rester à la hauteur de l’absolu. Ce qui ne va pas sans risque. La passion, la peur du temps qui passe, le quotidien qui use, l’injonction sociale de la réussite, ils sont terriblement actuels et universels. Ce sont des fragments de vies choisis qui questionnent : qu’est-ce que c’est être intime avec quelqu’un ? Comment l’endroit de la plus grande tendresse peut être aussi celui de la plus grande cruauté ? L’écriture nous renvoie à nos propres mesquineries et nos trop grands espoirs, avec un humour acide et bienveillant.

Alice Schwab à la mise en scène et Ana Lorvo au jeu sont très convaincantes dans l’évocation de Frida Kahlo. Une interprète intense au service d’une petite tranche de vie : le jour où Frida Kahlo est victime d’un accident de bus, qui la laisse le corps brisé, lourdement handicapée. Mais ceci n’entravera pas sa farouche volonté de vivre, de créer, d’aimer. Sur scène, des chaises symbolisent le bus, des marionnettes pour les passagers. La comédienne s’agite, court, respire dans l’autobus 15. Sa voix de baryton plane dans la salle, forte, colérique comme pour nous aspirer dans son énergie douloureuse. Le spectacle est en espagnol surtitré, pour mieux nous immerger et nous faire monter à bord de cette vie dévorante.

Un spectacle créé à la Comédie-Française, Molière 2016 de la création visuelle, qui va vous enchanter. Comment restituer sur un plateau de théâtre l’univers baroque, riche, spectaculaire, du roman de Jules Verne, 20 000 lieues sous les mers ? Comment figurer l’océan, les myriades de créatures marines, toutes plus bizarres les unes que les autres ? Comment rendre l’impression d’enfermement du sous-marin, évoluant dans l’océan infini ? Il fallait un orfèvre pour cela : Christian Hecq, sociétaire de la Comédie-Française, fasciné par l’astrophysique, les vieilles mécaniques, les marionnettes et leur manipulation, et Valérie Lesort, spécialiste, elle, de leur fabrication. La scénographie est tout simplement magique. Devant les hublots du Nautilus, le vaisseau du capitaine Nemo, passent, tour à tour, de magnifiques méduses bicolores orange et bleu, des poissons plus vrais que nature, tout droit sortis d’un film. Accompagnés de cette troupe de poissons, les comédiens campent avec drôlerie les personnages imaginés par Jules Verne.

Chloé Dabert met en scène le texte résolument féministe de Lucy Kirkwood, où douze femmes, le temps de quelques heures, peuvent décider, sans les hommes, du sort d’une autre femme. Au XVIIIe siècle en Angleterre, dans une petite ville, un crime atroce est commis. Les coupables sont identifiés immédiatement : un couple de jeunes gens, lui un vagabond, elle une fille du pays. L’homme est immédiatement exécuté, mais au moment où cela va être le tour de la jeune fille, elle « plaide le ventre », c’est-à-dire qu’elle se déclare enceinte. Dans ce cas la déportation ne surviendrait qu’après la naissance… Un jury de femmes est alors mis en place, pour déterminer si la coupable est bien enceinte. La pièce raconte ce huis-clos où douze matrones représentatives de la communauté dirigées par la sage-femme, vont devoir rendre leur verdict. Un suspens digne d’un thriller, des échanges passionnés entre femmes où se croisent préjugés, tendresse, mesquinerie et grandeur d’âme, interprété par treize comédiennes magnifiques, dans un décor digne de la grande peinture flamande.

Comment à l’heure de #MeToo des concours de miss peuvent-ils encore exister et trouver des candidates ? Suzanne s’est retrouvée presque par hasard plongée dans le monde des Miss. En effet, alors qu’elle terminait ses études de théâtre à l’École du Théâtre du Nord, lors de vacances
familiales dans le Poitou, elle découvre une annonce pour l’élection de Miss Poitou-Charentes, première marche vers l’éventuelle distinction de Miss France. Par défi, et parce qu’il fallait qu’elle trouve un sujet de fin d’étude, elle franchit le pas, et s’inscrit. Elle n’ira pas jusqu’au bout du processus. Mais elle passe les premières étapes, et c’est cette expérience que son spectacle raconte. En pénétrant les coulisses, elle découvre un monde plus complexe qu’il n’y paraît quant aux motivations des jeunes filles qui se prêtent à ce jeu. Elles ne se résument pas à la vacuité d’un glamour de pacotille mais témoignent d’une recherche d’absolu et d’idéal, avec les moyens à leur disposition. Suzanne de Baecque et sa complice nous invitent à ces rencontres sensibles avec des êtres en quête d’eux-mêmes qu’elles incarnent avec empathie et émotion.

Un grand moment de théâtre pour le premier spectacle de la programmation dans la grande salle ! David Bobée nous surprend et nous ravit avec ce Dom Juan, fidèle au texte de Molière mais renouvelé, revivifié et actualisé par l’acuité des enjeux qu’il éclaire. David Bobée, qui dirige actuellement le Théâtre du Nord à Lille, propose un théâtre en interaction avec les questions de notre époque. Son approche de Dom Juan constitue une sorte d’archéologie de la domination. Cynisme de classe, violence dans les rapports sociaux, humiliation des faibles, mépris des femmes, le personnage de Dom Juan est une sorte de matrice d’une partie sombre toujours en œuvre aujourd’hui. David Bobée situe la pièce dans un univers de statues monumentales en partie détruites, renversées ; un paysage d’apocalypse minérale, où les protagonistes évoluent en portant les contrastes : univers crépusculaire de Dom Juan, vivacité et agilité d’autres figures, notamment de Sganarelle.

Lola Lafon nous invite dans son laboratoire d’écrivaine, à une performance littéraire et musicale, qui décline un abécédaire intime. Un spectacle où elle joue avec les mots, sans se payer de mots. En tant qu’écrivaine, déjà sept romans à son actif, Lola Lafon a un rapport très fort aux mots.
Ils sont sa matière première, les briques de sa pensée et de son écriture. Ce sont des textes, des formes courtes, écrits pour la scène ou sélectionnés parmi ses chroniques dans la presse. Ils proposent une définition subjective d’un mot. Installés à chaque extrémité d’une longue table, table de travail, elle et son complice musicien vont jouer à une sorte de ping-pong, de joute : il lui indique un mot, et, à l’aide de ses cahiers où elle consigne ses notes, réflexions, ébauches, elle propose une définition en lien avec sa subjectivité, son intimité de femme engagée dans les enjeux de son temps. Des mots comme des madeleines, qui retentissent dans sa mémoire et dans la mémoire collective.

Roman de Cocteau, film de Melville, opéra de Philip Glass, cette transgressive histoire d’amours adolescentes n’en finit plus de fasciner. La grande artiste Phia Ménard en fait une transposition magnétique dans un EHPAD, où les corps vieillissants, néanmoins ardents, sont entraînés dans une spectaculaire scénographie en perpétuel mouvement, mettant en valeur l’ahurissante circulation du désir. La musique répétitive et continue, dirigée par Emmanuel Olivier et interprétée par quatre chanteurs et trois pianistes présents sur scène, place elle aussi le spectateur dans un état proche de la transe, et célèbre le pouvoir de l’imaginaire sur l’être humain, qui, jusqu’à sa dernière heure, reste émerveillé, amoureux et jaloux !

Dans sa cuisine, Anissa nous invite sur les traces de son histoire en nous préparant de succulentes pâtisseries. Anissa et Ahmed Madani se sont rencontrés à l’occasion d’un cycle de spectacles qu’il créait sur les jeunes des cités, auquel elle participait. Lors d’une discussion, elle lui
a confié qu’elle ne connaissait pas son père, parti au moment où sa compagne lui avait annoncé qu’elle était enceinte. À partir de cette absence, du non de ce père manquant, elle a construit pendant son enfance un père rêvé. Un jour elle put retrouver sa trace. Étonné et ému par cette histoire, Ahmed la persuada de partir à sa rencontre. Il l’a accompagnée dans cette entreprise. Le spectacle reconstitue le cheminement de cette enquête, où suspens et émotions ne manquent pas.